Guignols: les barbares d’hier s’éteignent

Vous ne pouvez pas savoir car vous étiez peut-être trop jeunes. Ou vous ne vous souvenez plus. Ou alors au moins autant que moi

Il y a vingt ans. Une éternité. Une année charnière pour moi: celle du bac et de beaucoup de choses. Et puis les Guignols de l’Info.  Ceux qui avaient pris le nom à celui de Lyon, l’originel.

Triomphants.

Des spectateurs par millions. La France ou au moins une certaine tranche d’âge, urbaine, jeune, pour qui la vie s’arrêtait quand, vers vingt heures les quelques minutes des Guignols s’avançaient vers l’écran avec leur générique.

Pas de replay sur internet, pas de rattrapage de séance sur l’ordinateur. Fallait attendre, tu l’imagines, le jour du dimanche. Après le repas dominical, après les pâtes au gruyère des moins fortunés ou des plus pressés, après le poulet de la grand-mère à laquelle il fallait ensuite échapper pour un temps de télé, tu pouvais aller voir les Guignols. Un sandwich de rire en deux parties entre une tranche de pub. Souvent tu avais déjà vu mais tu avais envie de revoir.

Et puis les auteurs, les acteurs, les Gaccio, les Lecoq étaient des vraies stars. Invitées partout. Encensées. Des nouveaux médias. Bousculant tout. Créant une nouvelle manière d’informer. Les successeurs des barbares d’avant, les prédécesseurs des barbares d’aujourd’hui.

On leur prêtait une influence incroyable. Dont ils étaient, il est vrai, fort pourvus en ces temps. Reflet dez l’influence les cours de récré, les machines à café, étaient remplies d’imitations plus ou moins réussies des marionnettes principales.

C’était Chirac et ses pommes. Balladur et sa voix des hauts quartiers. Mitterrand et son « imbécile ! ». Nanard et ses combines en chanson. C’était Serge July qui croyait que c’était clair au milieu des cahuètes et de la poire. D’ailleurs puisqu’on parlait d’influence, la vente d’alcool de poire fut justement très reconnaissante aux Guignols de la publicité gratuite.

On disait même, en parlant d’influence, qu’ils avaient fait élire cette année là le Président de la République, un Jacques Chirac repeint en sympathique mangeur de pommes. Un néo-Président qui avait surfé sur le phénomène télé d’humour pour gagner une élection pas perdue d’avance. Combien avaient cru élire la marionnette et se retrouvaient avec le pantin ? La soirée électorale made in Guignol annonçant la victoire de Jacques Chirac avait connu un succès fou.

Les années continuèrent, continuant dans les succès d’audience pendant encore une décennie. Quelques gaffes (mais comment ne pas en faire quand on passe en direct ou pas loin plusieurs soirs par semaine)des règlements de comptes. Mais le succès durait.

Et puis la généralisation du web, qui rend les grands rendez-vous télévisuels qui fédèrent moins fédérateurs. Et puis sans doute du moins bien. Les fois où l’on se surprend à ne pas regarder jusqu’au bout. Les fois où l’on regarde plus parce qu’on a plus le temps et puis où on se rattrape en replay. Et puis on se rattrape plus, on regarde moins.  Et puis qui veut voir du sens au moment où le Huffington Post essaie de générer du clic avec des vidéos de burritos…

Sauf, c’est remarquable d’ailleurs, pendant les élections présidentielles.

Et voilà que le très Sarkozyste Vincent Bolloré arrête justement l’émission maintenant. Au moment où justement, peu de temps avant les Présidentielles, elle va redevenir intéressante. Il parait que ça vexe. Surtout chez ses amis politiques à lui. Démocratique et ouvert dis moi le monsieur. Comme quoi qu’on pense ils ont encore de l’influence les Guignols. Surtout auprès de ceux qu’ils caricaturent. Même si heureusement dans l’information, la télé des grands médias a perdu son rôle central…

Salut les Guignols. Je pourrais reprendre une activité normale mais vous allez faire un vide dans notre démocratie.

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Guignols: les barbares d’hier s’éteignent

Vous ne pouvez pas savoir car vous étiez peut-être trop jeunes. Ou vous ne vous souvenez plus. Ou alors au moins autant que moi

Il y a vingt ans. Une éternité. Une année charnière pour moi: celle du bac et de beaucoup de choses. Et puis les Guignols de l’Info.  Ceux qui avaient pris le nom à celui de Lyon, l’originel.

Triomphants.

Des spectateurs par millions. La France ou au moins une certaine tranche d’âge, urbaine, jeune, pour qui la vie s’arrêtait quand, vers vingt heures les quelques minutes des Guignols s’avançaient vers l’écran avec leur générique.

Pas de replay sur internet, pas de rattrapage de séance sur l’ordinateur. Fallait attendre, tu l’imagines, le jour du dimanche. Après le repas dominical, après les pâtes au gruyère des moins fortunés ou des plus pressés, après le poulet de la grand-mère à laquelle il fallait ensuite échapper pour un temps de télé, tu pouvais aller voir les Guignols. Un sandwich de rire en deux parties entre une tranche de pub. Souvent tu avais déjà vu mais tu avais envie de revoir.

Et puis les auteurs, les acteurs, les Gaccio, les Lecoq étaient des vraies stars. Invitées partout. Encensées. Des nouveaux médias. Bousculant tout. Créant une nouvelle manière d’informer. Les successeurs des barbares d’avant, les prédécesseurs des barbares d’aujourd’hui.

On leur prêtait une influence incroyable. Dont ils étaient, il est vrai, fort pourvus en ces temps. Reflet dez l’influence les cours de récré, les machines à café, étaient remplies d’imitations plus ou moins réussies des marionnettes principales.

C’était Chirac et ses pommes. Balladur et sa voix des hauts quartiers. Mitterrand et son « imbécile ! ». Nanard et ses combines en chanson. C’était Serge July qui croyait que c’était clair au milieu des cahuètes et de la poire. D’ailleurs puisqu’on parlait d’influence, la vente d’alcool de poire fut justement très reconnaissante aux Guignols de la publicité gratuite.

On disait même, en parlant d’influence, qu’ils avaient fait élire cette année là le Président de la République, un Jacques Chirac repeint en sympathique mangeur de pommes. Un néo-Président qui avait surfé sur le phénomène télé d’humour pour gagner une élection pas perdue d’avance. Combien avaient cru élire la marionnette et se retrouvaient avec le pantin ? La soirée électorale made in Guignol annonçant la victoire de Jacques Chirac avait connu un succès fou.

Les années continuèrent, continuant dans les succès d’audience pendant encore une décennie. Quelques gaffes (mais comment ne pas en faire quand on passe en direct ou pas loin plusieurs soirs par semaine)des règlements de comptes. Mais le succès durait.

Et puis la généralisation du web, qui rend les grands rendez-vous télévisuels qui fédèrent moins fédérateurs. Et puis sans doute du moins bien. Les fois où l’on se surprend à ne pas regarder jusqu’au bout. Les fois où l’on regarde plus parce qu’on a plus le temps et puis où on se rattrape en replay. Et puis on se rattrape plus, on regarde moins.  Et puis qui veut voir du sens au moment où le Huffington Post essaie de générer du clic avec des vidéos de burritos…

Sauf, c’est remarquable d’ailleurs, pendant les élections présidentielles.

Et voilà que le très Sarkozyste Vincent Bolloré arrête justement l’émission maintenant. Au moment où justement, peu de temps avant les Présidentielles, elle va redevenir intéressante. Il parait que ça vexe. Surtout chez ses amis politiques à lui. Démocratique et ouvert dis moi le monsieur. Comme quoi qu’on pense ils ont encore de l’influence les Guignols. Surtout auprès de ceux qu’ils caricaturent. Même si heureusement dans l’information, la télé des grands médias a perdu son rôle central…

Salut les Guignols. Je pourrais reprendre une activité normale mais vous allez faire un vide dans notre démocratie.

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