Wikileaks, projet initié par Julian Assange, est une structure visant à rendre public des documents confidentiels. Après avoir mis en ligne de 400 000 éléments bruts sur la guerre d’Irak, l’organisation est en train, durant ces heures, de rendre public des télégrammes de la diplomatie américaine, les statelogs. Des journaux partenaires dont Le Monde et le Guardian diffusent et trient une partie des documents. Par ailleurs Owni, site avant-gardiste du génial Nicolas Voisin et son équipe contribue au tri de cette information qui parvient progressivement. Aucun des documents concernés n’est top secret, se repartissant pour moitié entre le confidentiel et le secret, l’autre moitié n’étant pas classifiée du tout.
Je comprends la démarche des médias partenaires de Wikileaks ainsi que d’Owni de rendre intelligibles les documents exposés, de filtrer les éléments pouvant amener à mettre la vie en danger d’autrui. Il s’agit de dire clairement ce qu’il y a dans ces documents et ce qu’il n’y a pas. On évite certains (pas tous hélas) risques de manipulation, de violence et de complotisme. Bravo donc à ceux qui travaillent la matiére brute amenée ainsi.Certes la publication des statelogs va peut-être se faire de façon moins brute que concernant la guerre d’Irak et ce partenariat est une bonne chose.
Par contre je suis pour ma part assez mal à l’aise, comme j’ai pu le dire dans divers échanges sur twitter, avec la démarche globale de déballage de Wikileaks: Loin d’être la promesse faite en 2006 de s’attaquer aux régimes dictatoriaux où la liberté de l’information n’existe pas, Wikileaks ne met en lumiére que les échanges confidentiels qui se déroulent dans les démocraties. Certes, celles-ci pour garder leur nature ont besoin de transparence.Pour éclairer leur choix, il est bon que les citoyens soient le mieux informés possible. Et puis certes il y a des faits qui doivent être connus du public dans les relations internationales. Il est par exemple connu que certains secteurs US ne voient pas d’un très bon oeil une possible Europe fédérale, que Guantanamo a donné lieu à des marchandages du gouvernement US avec des Etats européens ou que les USA et le monde arabe sont inquiet que l’Iran destabilise une partie du monde musulman. Il est aussi intéressant que les Etats puissent savoir ce que pensent réellement d’eux leurs partenaires.
Mais en publiant, massivement, sans trier,souvent de façon brute (quoi que l’actuelle opération, contrairement aux précédentes, se dirige vers un certain tri de l’info, ce qui est une bonne chose) uniquement des outils concernant la diplomatie d’Etats démocratiques au prétexte d’une démocratie profonde, Julian Assange et ses amis ne rendent-ils pas paradoxalement un grand service aux dictatures et groupes terroristes qui pourraient s’en emparer pour leurs opération et leur propagande ? J’ai peur que la réponse soit oui.Il n’y a pas de wikileaks sous les régimes dictatoriaux.