Le service presse en charge de la promotion du livre post-mortem de Charb m’a adressé son ouvrage afin que je le chronique.
Terminé deux jours avant d’être abattu par des terroristes haineux qui n’avaient sans doute jamais lu une ligne de ce monsieur intelligent, doué et subtil, ce dessinateur de presse mettait la dernière main à « lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes ». Un ouvrage bref mais fort.
Lecteur plus ou moins régulier de Charlie Hebdo depuis une vingtaine d’années, abonné à plusieurs reprises et soutien de Charlie y compris dans des périodes pré-attentat où nous n’étions guère nombreux, Charb a toujours été mon préféré dans l’équipe, avec son raisonnement vigilant, ses dessins durs et drôles, son internationalisme et sa conscience aiguë de la justice sociale.
La question sociale et discriminatoire reste centrale pour Charb
Son ouvrage post-mortem, si il est dépourvu de dessins, ne déroge pas à ces valeurs là. Charb nous explique que, derrière la question de la religion que veulent mettre en avant certains, c’est d’abord le racisme et de la discrimination sociale qui est le vrai souci. N’en déplaise à ceux qui veulent faire une rente de l’islamophobie ou qui veulent diviser les luttes contre les discriminations sociales et raciales.
Entre deux musulmans, l’un d’origine algérienne, l’autre fraichement converti mais de souche berrichone millénaire, il est probable que le premier sera discriminé bien plus souvent que l’autre. De même un jeune pratiquant l’Islam et vivant à Vaulx-en-Velin risque de souffrir davantage au moment de chercher un travail et un logement qu’un fils de la famille royale d’Arabie Saoudite.
Qu’un « musulman d’apparence » selon les termes de la droite change de religion et devienne par exemple catholique et il sera toujours une cible au yeux de nombre de racistes. Les chrétiens d’orient venus se réfugier de la haine islamiste dans les bras de notre République peuvent, pour beaucoup, en témoigner.
Islamophobie: Derrière la lutte légitime contre les discriminations, un mot-piége?
Alors n’y a-t-il aucun fond de vérité dans l’islamophobie? Ca dépend: il y a bien évidemment des actes, qui sont d’ailleurs en augmentation, contre les musulmans. Et, c’est peut-être la nuance que je mettrais par rapport à Charb, parfois uniquement parce qu’ils sont musulmans. Ou supposés musulmans.
Mais utiliser le terme d’Ialamophobie pose, selon Charb, au-delà du fait de nier la question centrale de la xénophobie et de la question sociale, le risque dangereux de confondre le légitime combat contre la discrimination avec le refus de la liberté d’exprimer une critique des religions. Se moquer d’un aspect du christianisme, du judaisme ou de l’islam n’est pas discriminer tous ceux qui croient en cela.
Croyant, je suis d’ailleurs d’accord assez d’accord avec ce point: si, comme tout un chacun, certains dessins de Charlie ne me font pas forcément rire, je ne me sent pas visé dans ma foi ou dans ma personne lorsqu’une blague vaseuse sur Jésus ou Dieu est lancée… et je crois que, quelque soient nos croyances diverses, nous sommes nombreux ainsi.
Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes par Charb. Edition les Echappées 13,99 euros