Des solutions pour favoriser l’insertion des « Roms » dans la société française (Lyonnitude(s) )

Quelles solutions pour les « Roms » Suite et fin de la note de Jules Praxis sur le dossier des roms. Jules s’occupe en région lyonnaise des questions de relogement et d’hébergement pour le compte de l’Etat, dont des dossiers concernant les populations qu’évoque cette note.J’ai compilé les deux premières parties sur le rôle de l’Etat et les démantélement de façon à ce quela note soit compléte dans cet article mais présentée de façon antéchronologique (d’abord la dernière partie de la note, pas encore publiée).

3 Des solutions  pour favoriser l’insertion  des « Roms » dans la société française

 Bien que certains « Roms » soient sédentaires et relativement intégrés dans les sociétés dans lesquelles ils vivent, les solutions pour l’insertion des plus vulnérables – habitants des camps et des squats de fortune, exclus des soins, de l’emploi, etc. – semblent manquer, surtout dans un contexte budgétaire extrêmement tendu qui, nous l’avons vu, ne permet pas de dégager des marges de manœuvre suffisantes.

Le recours aux centres d’hébergement, répondant ainsi au principe de l’inconditionnalité de l’accueil, ne semble pas une réponse appropriée. D’abord parce que les perspectives d’insertion sont minces à la sortie, voire inexistantes, ensuite parce que ces centres ne sont pas suffisamment équipés, outillés, pour l’accompagnement d’un public qui cumule autant de difficultés.

 Il serait plus pertinent de mettre sur pied des programmes spécifiques destinés à répondre aux besoins des populations « Roms », comme les villages d’insertion par exemple (et même si, là encore, la solution n’est pas miraculeuse : le dispositif doit encore évoluer).

 L’Etat manquant cruellement de moyens, un travail partenarial avec les collectivités locales et les associations est indispensable. D’une part, l’Etat ne peut financer seuls ces projets, d’autre part, ce n’est qu’en prenant en compte les spécificités locales et l’expertise des acteurs impliqués sur le terrain que des solutions adaptées pourront émerger.

C’est surtout autour des grandes agglomérations (Paris, Lille, Lyon, Marseille) que les besoins sont les plus criants. Par une mobilisation de tous ces acteurs, institutionnels et associatifs, une réponse immédiate peut être apportée, non pas pour résoudre tous les problèmes mais au moins pour en stabiliser les effets les plus nocifs (déplacement des populations, risques sanitaires accrus, sentiment d’insécurité et de persécution).

 Maintenant, en ce qui concerne les solutions de plus long terme, la réponse est à rechercher du côté de l’Europe. En commençant par lever les mesures transitoires qui pèsent sur les « Roms » de Roumanie et de Bulgarie qui, nous l’avons vu, leur interdit presque tout espoir d’insertion professionnelle.

 Cette mesure n’est pas un remède miracle et ne permettra pas, sur le court terme, de répondre au besoin de stabilité et d’intégration de ces populations. Ce travail ne pourra démarrer qu’à partir du moment où la majeure partie des « Roms » aura été sédentarisée : suivi sanitaire, scolarisation des enfants, accès aux droits, apprentissage du français, insertion sociale et professionnelle.

A ce sujet, et en appui du travail que devront mener conjointement l’Etat, les associations et les collectivités locales, il faut savoir que l’Europe abonde un fonds destiné à l’insertion des « Roms » en Roumanie. Malheureusement ce fonds (qui est une partie du Fonds Social Européen), doté de 2,25 milliards d’euros est très largement détourné de sa vocation première. Plutôt que de servir uniquement à la Roumanie, il pourrait servir à cofinancer les programmes innovants développés par les Etats qui en feraient la demande.

Voilà, présenté de la façon la plus synthétique possible, quelle est aujourd’hui la situation des « Roms » en France, quels sont les moyens dont l’Etat dispose pour répondre à leur détresse et quelles solutions peuvent être recherchées. Si la radicalité de certaines associations est compréhensible – elles sont au contact de ces personnes et de leur détresse – faire un rapprochement avec la politique du gouvernement précédent, qui a diffusé une circulaire illégale et encouru les foudres du Parlement Européen, de la plupart des Etats-membres et même du Vatican, est pour le moins osé et témoigne d’un certain manque de recul.

Ce que je peux dire, à mon petit niveau, c’est que les consignes passées par le Ministre de l’Intérieur ont bien été prises en compte par les Préfets et que Rome (désolé pour ce jeu de mots) ne s’est pas faite en un jour…

2 Le démantélement des camps de Roms

Depuis plusieurs jours, l’opinion publique et les associations de défense des Droits de l’Homme commencent à s’inquiéter et à tirer la sonnette d’alarme : il n’y aurait aucun changement entre la politique conduite par l’ancienne et la nouvelle majorité quant au traitement de la question des « Roms ».

 Manuel Valls le rappelait la semaine dernière : le gouvernement entend bien appliquer les décisions de justice concernant l’évacuation des camps de « Roms ».

Outre le respect légitime de telles décisions, le gouvernement met en avant les conditions sanitaires dans lesquelles les familles évoluent. Médecins du Monde aurait même constaté une recrudescence des cas de tuberculose.

Personne ne conteste que leurs conditions de vie soient très largement indignes, ni même que certains campements puissent poser problème à des riverains excédés. Comme le dit assez justement Manuel Valls, cette question est un défi posé au vivre-ensemble dans une République qui affiche clairement des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

Le paradoxe c’est que l’on ne voit, pour l’instant, que les expulsions des camps de « Roms » alors que le candidat Hollande s’est engagé sur un changement de politique : plus d’expulsion en amont s’il n’y a pas de solution en aval.

 Les « Roms » en très grande précarité seraient en France, et selon les sources, de 15 à 20.000 personnes. Ce sont elles qui font l’actualité et sur lesquelles les projecteurs, sporadiquement, se focalisent. Les difficultés cumulées sont vertigineuses : illettrisme, conditions de vie (notamment sanitaires) déplorables, graves situations de précarité et d’exclusion, impossibilité d’accéder au marché de l’emploi…

 C’est ce dernier point, notamment, que dénoncent les associations de défense des Droits de l’Homme : à cause de mesures transitoires imposées à la Roumanie et à la Bulgarie par l’Union Européenne, les « Roms » éprouvent d’immenses difficultés à trouver un emploi. Sans emploi, impossible de justifier des ressources suffisantes pour rester sur le territoire français, les « Roms » se retrouvent alors en situation de pouvoir être expulsés. Le gouvernement précédent faisait des expulsions l’alpha et l’oméga de sa politique envers les « Roms », pour un coût estimé à une dizaine de millions d’euros par an et un résultat déplorable : citoyens de l’Union Européenne, les « Roms » revenaient en France à la première occasion.

 Si le gouvernement actuel continue de procéder au démantèlement des camps, c’est en partie pour répondre aux décisions de justice mais aussi pour répondre à ce qu’il considère être une urgence sanitaire, sociale, humaine.

Le candidat Hollande s’y est engagé : les « Roms » ne seront plus expulsés des camps et des squats sans solution pérenne. Pour l’heure, cet engagement n’est pas toujours respecté. Le seul changement constaté serait, apparemment, le changement de ton. Une différence pourtant déjà notable puisque des consignes de concertation ont été données aux Préfets pour rechercher avec les associations et les élus locaux des solutions de relogement aux personnes les plus vulnérables.

 Si les associations ont raison de tirer la sonnette d’alarme et de rappeler l’actuel Président à ses engagements de candidat, elle ne doit pas oublier que le quinquennat précédent n’a été qu’une litanie de stigmatisation de la figure du « Rom » dans un parfait amalgame avec la délinquance et les gens du voyage, que l’on peut qualifier d’indigne et qui culmina au moment du discours de Grenoble.

 De plus, si les difficultés sont immenses, quelques pistes et solutions peuvent éventuellement être dégagées et il ne fait aucun doute que la politique sur laquelle François Hollande s’est engagée sera bien tenue. En politique, le temps court des réponses courtes a déjà fait l’objet d’un quinquennat, avec les résultats que l’on sait.

1 Le rôle de l’Etat dans la question des « Roms »

Même après l’élection de François Hollande, les démantèlements des camps de « Roms » se poursuivent, suscitant la déception des associations de défense des droits de l’homme et de sympathisants / militants de la gauche radicale. C’est aussi l’occasion rêvée (et hypocrite) pour les élus UMP de pointer les contradictions de la gauche bien-pensante.

 Sur un sujet aussi complexe, que je connais en partie – je suis fonctionnaire d’Etat et je m’occupe des politiques d’hébergement et d’accès au logement –, on m’a demandé d’écrire une note sur la situation.

Je précise, au préalable, que je suis tenu à un devoir de réserve et que je ne pourrais donc pas exprimer d’opinion personnelle ; je dois m’en tenir aux faits. Ils sont relativement simples : l’Etat n’est pas en capacité, actuellement, de répondre aux besoins immenses des populations « Roms ».

Il met pourtant de l’argent sur la table et peut agir dans deux directions : un soutien aux associations, sur des programmes ciblés, spécifiques, et la recherche d’un consensus au niveau européen. Ce n’est que par la combinaison de ces deux leviers qu’il parviendra à apporter un début de réponse à une situation douloureuse que l’on ne peut que déplorer faute de moyens.

La majeure partie des aides de l’Etat destinées notamment aux « Roms » s’exerce au travers de ce programme doté d’un peu plus d’un milliard d’euros chaque année (dont seulement une petite partie s’applique aux « Roms »). Ces aides peuvent être distinguées, schématiquement, en trois parties : l’aide sociale et la construction des aires d’accueil des gens du voyage, le financement des centres d’hébergement d’urgence, le financement d’actions innovantes (les villages d’insertion).

En ce qui concerne les aires d’accueil des gens du voyage, l’Etat finance les communes qui décident de s’équiper d’une aire d’accueil. Elles ne sont pas spécifiquement destinées aux « Roms » mais peuvent éventuellement leur bénéficier. L’Etat finance également un peu d’action sociale, comme les aides à la scolarisation des enfants « Roms ». Je ne développe pas plus, c’est une goutte d’eau (nécessaire) dans un océan de besoins (l’action 11, comprise dans le programme 177 est dotée de 65 millions d’euros par an).

La plus grande partie du programme 177 sert à financer les centres d’hébergement (un peu moins d’un milliard par an). Depuis la loi dite Molle de mars 2009, deux principes régissent l’accueil et l’hébergement des publics vulnérables : l’inconditionnalité et la continuité de l’accueil. Selon le premier principe, aucune personne ne peut être exclue d’un dispositif d’hébergement et ce quelle que soit sa situation au regard du droit. Quant à la continuité de l’accueil, il implique que personne ne peut sortir d’un centre d’hébergement s’il ne dispose pas d’une solution pérenne (logement adapté, par exemple).

 C’est là où le bât blesse : on estime à un million le nombre de personnes sans-abri ou en situation de mal-logement (chiffre approximatif et pour lequel les sources manquent). Les centres d’hébergement ne parviennent déjà pas à répondre aux besoins de ces populations. En application du principe de l’inconditionnalité de l’accueil, les centres d’hébergement accueillent donc, en fonction des places disponibles, toute personne qui en fait la demande. Même si, et c’est le cas pour les « Roms » (que nous appelons, dans notre jargon administratif « les Européens impécunieux de l’est »), il ne peut exister aucune solution pérenne de relogement. La situation administrative de ces personnes leur interdit pourtant toute insertion sur le territoire de la République française. L’Etat, en l’état actuel de la législation, dépense beaucoup d’argent pour un résultat très médiocre.

Enfin, l’Etat intervient en finançant des actions spécifiques d’insertion, comme par exemple les villages d’insertion. C’est là sans doute un levier intéressant mais qui coûte énormément d’argent (27.000 € par famille et par an). Il s’agit de financer une association gestionnaire d’un tel village qui va travailler sur l’insertion des « Roms », une insertion qui comprendra à la fois des actions d’alphabétisation, d’apprentissage des règles sanitaires, de mise en situation de travail, etc.

 Heureusement, pour l’aider dans cette tâche, l’Etat peut être appuyé par les collectivités locales, notamment pour compléter un financement qu’il n’a qu’en partie.

 En résumé, il semble que les moyens dont dispose l’Etat français sont non seulement insuffisants (pour financer des actions d’insertion spécifiques) mais également inadaptés (la loi Molle doit pouvoir être revue, notamment parce que les principes qu’elle fixe sont en contradiction avec une politique d’insertion ciblée et efficace – l’enfer, on le sait, est pavé de bonnes intentions).

 Après avoir fait le tour (rapide) des moyens dont dispose l’Etat, voyons quelle est la situation actuelle et pourquoi la majorité actuelle continue de démanteler des camps de « Roms ».

(photo)

Des solutions pour favoriser l’insertion des « Roms » dans la société française (Lyonnitude(s) )

Quelles solutions pour les « Roms » Suite et fin de la note de Jules Praxis sur le dossier des roms. Jules s’occupe en région lyonnaise des questions de relogement et d’hébergement pour le compte de l’Etat, dont des dossiers concernant les populations qu’évoque cette note.J’ai compilé les deux premières parties sur le rôle de l’Etat et les démantélement de façon à ce quela note soit compléte dans cet article mais présentée de façon antéchronologique (d’abord la dernière partie de la note, pas encore publiée).

3 Des solutions  pour favoriser l’insertion  des « Roms » dans la société française

 Bien que certains « Roms » soient sédentaires et relativement intégrés dans les sociétés dans lesquelles ils vivent, les solutions pour l’insertion des plus vulnérables – habitants des camps et des squats de fortune, exclus des soins, de l’emploi, etc. – semblent manquer, surtout dans un contexte budgétaire extrêmement tendu qui, nous l’avons vu, ne permet pas de dégager des marges de manœuvre suffisantes.

Le recours aux centres d’hébergement, répondant ainsi au principe de l’inconditionnalité de l’accueil, ne semble pas une réponse appropriée. D’abord parce que les perspectives d’insertion sont minces à la sortie, voire inexistantes, ensuite parce que ces centres ne sont pas suffisamment équipés, outillés, pour l’accompagnement d’un public qui cumule autant de difficultés.

 Il serait plus pertinent de mettre sur pied des programmes spécifiques destinés à répondre aux besoins des populations « Roms », comme les villages d’insertion par exemple (et même si, là encore, la solution n’est pas miraculeuse : le dispositif doit encore évoluer).

 L’Etat manquant cruellement de moyens, un travail partenarial avec les collectivités locales et les associations est indispensable. D’une part, l’Etat ne peut financer seuls ces projets, d’autre part, ce n’est qu’en prenant en compte les spécificités locales et l’expertise des acteurs impliqués sur le terrain que des solutions adaptées pourront émerger.

C’est surtout autour des grandes agglomérations (Paris, Lille, Lyon, Marseille) que les besoins sont les plus criants. Par une mobilisation de tous ces acteurs, institutionnels et associatifs, une réponse immédiate peut être apportée, non pas pour résoudre tous les problèmes mais au moins pour en stabiliser les effets les plus nocifs (déplacement des populations, risques sanitaires accrus, sentiment d’insécurité et de persécution).

 Maintenant, en ce qui concerne les solutions de plus long terme, la réponse est à rechercher du côté de l’Europe. En commençant par lever les mesures transitoires qui pèsent sur les « Roms » de Roumanie et de Bulgarie qui, nous l’avons vu, leur interdit presque tout espoir d’insertion professionnelle.

 Cette mesure n’est pas un remède miracle et ne permettra pas, sur le court terme, de répondre au besoin de stabilité et d’intégration de ces populations. Ce travail ne pourra démarrer qu’à partir du moment où la majeure partie des « Roms » aura été sédentarisée : suivi sanitaire, scolarisation des enfants, accès aux droits, apprentissage du français, insertion sociale et professionnelle.

A ce sujet, et en appui du travail que devront mener conjointement l’Etat, les associations et les collectivités locales, il faut savoir que l’Europe abonde un fonds destiné à l’insertion des « Roms » en Roumanie. Malheureusement ce fonds (qui est une partie du Fonds Social Européen), doté de 2,25 milliards d’euros est très largement détourné de sa vocation première. Plutôt que de servir uniquement à la Roumanie, il pourrait servir à cofinancer les programmes innovants développés par les Etats qui en feraient la demande.

Voilà, présenté de la façon la plus synthétique possible, quelle est aujourd’hui la situation des « Roms » en France, quels sont les moyens dont l’Etat dispose pour répondre à leur détresse et quelles solutions peuvent être recherchées. Si la radicalité de certaines associations est compréhensible – elles sont au contact de ces personnes et de leur détresse – faire un rapprochement avec la politique du gouvernement précédent, qui a diffusé une circulaire illégale et encouru les foudres du Parlement Européen, de la plupart des Etats-membres et même du Vatican, est pour le moins osé et témoigne d’un certain manque de recul.

Ce que je peux dire, à mon petit niveau, c’est que les consignes passées par le Ministre de l’Intérieur ont bien été prises en compte par les Préfets et que Rome (désolé pour ce jeu de mots) ne s’est pas faite en un jour…

2 Le démantélement des camps de Roms

Depuis plusieurs jours, l’opinion publique et les associations de défense des Droits de l’Homme commencent à s’inquiéter et à tirer la sonnette d’alarme : il n’y aurait aucun changement entre la politique conduite par l’ancienne et la nouvelle majorité quant au traitement de la question des « Roms ».

 Manuel Valls le rappelait la semaine dernière : le gouvernement entend bien appliquer les décisions de justice concernant l’évacuation des camps de « Roms ».

Outre le respect légitime de telles décisions, le gouvernement met en avant les conditions sanitaires dans lesquelles les familles évoluent. Médecins du Monde aurait même constaté une recrudescence des cas de tuberculose.

Personne ne conteste que leurs conditions de vie soient très largement indignes, ni même que certains campements puissent poser problème à des riverains excédés. Comme le dit assez justement Manuel Valls, cette question est un défi posé au vivre-ensemble dans une République qui affiche clairement des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

Le paradoxe c’est que l’on ne voit, pour l’instant, que les expulsions des camps de « Roms » alors que le candidat Hollande s’est engagé sur un changement de politique : plus d’expulsion en amont s’il n’y a pas de solution en aval.

 Les « Roms » en très grande précarité seraient en France, et selon les sources, de 15 à 20.000 personnes. Ce sont elles qui font l’actualité et sur lesquelles les projecteurs, sporadiquement, se focalisent. Les difficultés cumulées sont vertigineuses : illettrisme, conditions de vie (notamment sanitaires) déplorables, graves situations de précarité et d’exclusion, impossibilité d’accéder au marché de l’emploi…

 C’est ce dernier point, notamment, que dénoncent les associations de défense des Droits de l’Homme : à cause de mesures transitoires imposées à la Roumanie et à la Bulgarie par l’Union Européenne, les « Roms » éprouvent d’immenses difficultés à trouver un emploi. Sans emploi, impossible de justifier des ressources suffisantes pour rester sur le territoire français, les « Roms » se retrouvent alors en situation de pouvoir être expulsés. Le gouvernement précédent faisait des expulsions l’alpha et l’oméga de sa politique envers les « Roms », pour un coût estimé à une dizaine de millions d’euros par an et un résultat déplorable : citoyens de l’Union Européenne, les « Roms » revenaient en France à la première occasion.

 Si le gouvernement actuel continue de procéder au démantèlement des camps, c’est en partie pour répondre aux décisions de justice mais aussi pour répondre à ce qu’il considère être une urgence sanitaire, sociale, humaine.

Le candidat Hollande s’y est engagé : les « Roms » ne seront plus expulsés des camps et des squats sans solution pérenne. Pour l’heure, cet engagement n’est pas toujours respecté. Le seul changement constaté serait, apparemment, le changement de ton. Une différence pourtant déjà notable puisque des consignes de concertation ont été données aux Préfets pour rechercher avec les associations et les élus locaux des solutions de relogement aux personnes les plus vulnérables.

 Si les associations ont raison de tirer la sonnette d’alarme et de rappeler l’actuel Président à ses engagements de candidat, elle ne doit pas oublier que le quinquennat précédent n’a été qu’une litanie de stigmatisation de la figure du « Rom » dans un parfait amalgame avec la délinquance et les gens du voyage, que l’on peut qualifier d’indigne et qui culmina au moment du discours de Grenoble.

 De plus, si les difficultés sont immenses, quelques pistes et solutions peuvent éventuellement être dégagées et il ne fait aucun doute que la politique sur laquelle François Hollande s’est engagée sera bien tenue. En politique, le temps court des réponses courtes a déjà fait l’objet d’un quinquennat, avec les résultats que l’on sait.

1 Le rôle de l’Etat dans la question des « Roms »

Même après l’élection de François Hollande, les démantèlements des camps de « Roms » se poursuivent, suscitant la déception des associations de défense des droits de l’homme et de sympathisants / militants de la gauche radicale. C’est aussi l’occasion rêvée (et hypocrite) pour les élus UMP de pointer les contradictions de la gauche bien-pensante.

 Sur un sujet aussi complexe, que je connais en partie – je suis fonctionnaire d’Etat et je m’occupe des politiques d’hébergement et d’accès au logement –, on m’a demandé d’écrire une note sur la situation.

Je précise, au préalable, que je suis tenu à un devoir de réserve et que je ne pourrais donc pas exprimer d’opinion personnelle ; je dois m’en tenir aux faits. Ils sont relativement simples : l’Etat n’est pas en capacité, actuellement, de répondre aux besoins immenses des populations « Roms ».

Il met pourtant de l’argent sur la table et peut agir dans deux directions : un soutien aux associations, sur des programmes ciblés, spécifiques, et la recherche d’un consensus au niveau européen. Ce n’est que par la combinaison de ces deux leviers qu’il parviendra à apporter un début de réponse à une situation douloureuse que l’on ne peut que déplorer faute de moyens.

La majeure partie des aides de l’Etat destinées notamment aux « Roms » s’exerce au travers de ce programme doté d’un peu plus d’un milliard d’euros chaque année (dont seulement une petite partie s’applique aux « Roms »). Ces aides peuvent être distinguées, schématiquement, en trois parties : l’aide sociale et la construction des aires d’accueil des gens du voyage, le financement des centres d’hébergement d’urgence, le financement d’actions innovantes (les villages d’insertion).

En ce qui concerne les aires d’accueil des gens du voyage, l’Etat finance les communes qui décident de s’équiper d’une aire d’accueil. Elles ne sont pas spécifiquement destinées aux « Roms » mais peuvent éventuellement leur bénéficier. L’Etat finance également un peu d’action sociale, comme les aides à la scolarisation des enfants « Roms ». Je ne développe pas plus, c’est une goutte d’eau (nécessaire) dans un océan de besoins (l’action 11, comprise dans le programme 177 est dotée de 65 millions d’euros par an).

La plus grande partie du programme 177 sert à financer les centres d’hébergement (un peu moins d’un milliard par an). Depuis la loi dite Molle de mars 2009, deux principes régissent l’accueil et l’hébergement des publics vulnérables : l’inconditionnalité et la continuité de l’accueil. Selon le premier principe, aucune personne ne peut être exclue d’un dispositif d’hébergement et ce quelle que soit sa situation au regard du droit. Quant à la continuité de l’accueil, il implique que personne ne peut sortir d’un centre d’hébergement s’il ne dispose pas d’une solution pérenne (logement adapté, par exemple).

 C’est là où le bât blesse : on estime à un million le nombre de personnes sans-abri ou en situation de mal-logement (chiffre approximatif et pour lequel les sources manquent). Les centres d’hébergement ne parviennent déjà pas à répondre aux besoins de ces populations. En application du principe de l’inconditionnalité de l’accueil, les centres d’hébergement accueillent donc, en fonction des places disponibles, toute personne qui en fait la demande. Même si, et c’est le cas pour les « Roms » (que nous appelons, dans notre jargon administratif « les Européens impécunieux de l’est »), il ne peut exister aucune solution pérenne de relogement. La situation administrative de ces personnes leur interdit pourtant toute insertion sur le territoire de la République française. L’Etat, en l’état actuel de la législation, dépense beaucoup d’argent pour un résultat très médiocre.

Enfin, l’Etat intervient en finançant des actions spécifiques d’insertion, comme par exemple les villages d’insertion. C’est là sans doute un levier intéressant mais qui coûte énormément d’argent (27.000 € par famille et par an). Il s’agit de financer une association gestionnaire d’un tel village qui va travailler sur l’insertion des « Roms », une insertion qui comprendra à la fois des actions d’alphabétisation, d’apprentissage des règles sanitaires, de mise en situation de travail, etc.

 Heureusement, pour l’aider dans cette tâche, l’Etat peut être appuyé par les collectivités locales, notamment pour compléter un financement qu’il n’a qu’en partie.

 En résumé, il semble que les moyens dont dispose l’Etat français sont non seulement insuffisants (pour financer des actions d’insertion spécifiques) mais également inadaptés (la loi Molle doit pouvoir être revue, notamment parce que les principes qu’elle fixe sont en contradiction avec une politique d’insertion ciblée et efficace – l’enfer, on le sait, est pavé de bonnes intentions).

 Après avoir fait le tour (rapide) des moyens dont dispose l’Etat, voyons quelle est la situation actuelle et pourquoi la majorité actuelle continue de démanteler des camps de « Roms ».

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