Fascisme et racisme: à force de se payer de mots sur de vrais problèmes | Romain BlachierRomain Blachier

Rentré hier soir. Ordinateur avant la lecture, avant le sommeil avant…ah zut l’insomnie.

Un passage sur un forum ou sur twitter, je ne sais plus, un internaute, que je vois passer par ci par là sur les espaces de débats numérique, un type pas toujours dénué de pertinence qui sort « ah mais inutile de voter pour d’autres contre le FN, les fascistes sont déjà au pouvoir ».

Derrière les mots durs, la posture forte, l’impression qu’on se donne d’être dans la contestation radicale, quelle réalité? Cette affirmation est d’ailleurs antinomique: Est-on VRAIMENT dans un Etat fasciste quand on la possibilité libre et entière (sous la gauche comme sous la droite) de déclarer librement à tout un chacun qu’on est dans un Etat fasciste? Et puis si nous sommes dans un Etat fasciste, alors comment on qualifie le régime de Mussolini ou celui de Pinochet? Et n’est-ce pas aussi faire un joli cadeau au FN que de le banaliser ainsi?

Au bout d’un moment il faut aussi redonner leur sens aux mots. J’ai commencé à écrire ce billet nocturnement.

Tenez un autre mot: raciste. Ce matin, tôt, après l’insomnie, et du coup j’ai fini ce billet à l’aube naissante. La nouvelle sur un site d’informations qui en produit peu et en copie beaucoup: une journaliste de Elle dans une soirée privée, s’est déguisée en Beyoncé Knowles (on me dit en commentaire en Solange Knowles, décidèment ce déguisement était raté). Blanche de peau, elle a mis de la couleur sur sa peau. Cela fait un petit scandale outre-atlantique cette blanche grimée qui ne pensait pas forcément mal faire et se faire traiter de racisme en se déguisant en son idole.

En France la chose a laissé assez indifférent sauf sur les réseaux sociaux où la demoiselle a été accusée par certains de n’être, à travers son hommage vestimentaire de soirée à son idole musicale, que l’expression de la discrimination et de la satire des dominés.

On ne voit pas bien en quoi la talentueuse et pleine de succès Beyoncé serait dominée…mais ok si il y a des gens qui seraient quelque peu choqués ou offensés, loin de moi l’idée de leur denier quoi que ce soit. Je ne vais pas nier d’autorité l’indignation d’autrui, même quand elle peut paraitre aller loin. Mais puis-je discuter?

Juste que lorsque je lis par ailleurs qu’on essentialise l’avis sur la question, qu’il faudrait forcément être être black (pour avoir le droit de dire si c’est important ou pas (l’affirmation étant d’ailleurs souvent faite par des « blancs ») ou être blanc pour parler de blancs, homo pour parler d’homos, cela me choque.Au passage quitte à parler de bêtise, j’ai aussi lu d’autres, parfois les mêmes, affirmer qu’il faut être musulman pour juger du dérapage de la musique de promotion du film La Marche.

Mais si la seule posture admise, quand on est pas nés précisément du genre, de l’origine, de la couleur, de la religion d’un débat, c’est de soutenir la position de ceux qui seraient nés dans les clous, on arrive à plusieurs soucis

-En premier lieu de s’enfermer dans une case: ainsi pour ma part je ne devrais plus parler que de blancs trentenaires masculins, sociaux-démocrates et protestants de Lyon, les blacks eux ayant le droit de commenter les histoires de blacks et de blanches déguisées en blacks. En voulant éviter que la parole de certains soit confisquée,; en voulant à juste titre dénoncer les schémas de dominations sous-jacents , on s’enferme chacun dans sa case, on ethnicise l’espace public.

-En second lieu d’ailleurs  cette ethnicisation a-t-elle un sens ? Il y a-t-il un avis de tous les blancs unanime sur tous les sujets? Et des noirs? Et des jaunes? Et des..etc Et si ce n’est pas le cas, et puisque d’ailleurs ce n’est pas le cas; on fait comment?

Si par exemple en tant qu’homme je ne puis m’exprimer sur le féminisme parce qu’homme, il faudrait que je soie d’accord avec quelle féministe dans le riche débat? Et c’est quoi un avis de black ou un avis de blanc? Et, en poussant certes la logique, il ne faudrait donc pas se sentir concerné ni s’exprimer quand des Philippins souffrent quand on est pas Philippin? Où est l’universel là-dedans ?

Qu’il faille dénoncer les logiques de domination, qu’il faille essayer d’éviter que les dominants parlent en lieu et place des dominés ok. Mais le faire à travers justification des polémiques plus ou moins inspirées comme, outre la journaliste déguisée mentionnée plus haut, le fait de traiter Kathy Perry de raciste car elle se serait habillée en kimono cela m’inquiète, surtout quand on sait que par ailleurs les discriminations sont une réalité, peut-être moins glamour à débattre que Kathy Perry ou Beyoncé.

Décidément à force de vouloir, en partant d’une bonne intention, la lutte contre les dominations,  en ayant par ailleurs peur d’une substitution de la prise de parole, on arrive au résultat inverse à celui recherché, on banalise dans le premier cas cité quelque part le fascisme comme une chose anodine et dans le second cas évoqué  divise les populations en fonction de leur origine.

A force d’évoquer les démons à tort et à travers, ils finissent par arriver sur le pentagramme…