L’hebdomadaire protestant Réforme me consacre un portrait dans son numéro de cette semaine. Quelques erreurs (mon fils ne s’appelle par Louis-Antoine à cause de St Just, fort heureusement) mais sinon me voila flatté d’être dans les pages papiers et numériques de cette véritable institution nationale.
Très jeune, Romain Blachier a commencé à ruer dans les brancards et à témoigner d’une nature encline à la protestation. Il est du genre à ne pas supporter de se laisser enfermer dans une chambre, une chapelle, un quartier – même s’il adore celui de la Guillotière, à Lyon, où il vit toujours parce qu’il est synonyme de cosmopolitisme et d’ouverture d’esprit. Romain n’avait pas douze ans, l’âge de sa première communion, que déjà il se sentait à l’étroit dans la religion de ses parents, tous deux professeurs, catholiques très pratiquants. Un catholicisme qu’il trouvait « oppressant ».
Dès lors, son attraction vers le protestantisme fut en quelque sorte naturelle, jusqu’à ce que, vers ses vingt ans, il franchisse la porte d’un temple. Une décision déterminante : « Le protestantisme m’a permis de poursuivre mon dialogue avec Dieu. »
Son cheminement fut progressif et alimenté, tout au long de son adolescence et de sa vie d’étudiant, de lectures décisives auxquelles Romain Blachier se réfère toujours : Max Weber d’abord pour ses analyses sociales et politiques ; Karl Barth ensuite dont il a retenu l’« altérité radicale de Dieu » et l’obligation pour le croyant d’être en permanence critique. Il s’est nourri aussi de Jacques Ellul dont la modernité parfois provocatrice l’émerveille en permanence (à part son analyse du conflit israélo-palestinien).
Éthique de la protestation
Si, aujourd’hui, à trente-six ans, il confirme tous les jours cette conversion de jeunesse, c’est qu’il se sent parfaitement à l’aise dans son protestantisme. Lequel justifie à la fois sa philosophie de la vie, sa quête spirituelle et son engagement politique et citoyen. Pour Romain, être protestant, c’est se garder de tout manichéisme et ne pas se laisser enfermer dans une vision duale des choses, forcément réductrice, « comme si tout pouvait être noir ou blanc ».
Il se sent investi d’un devoir de protestation permanente contre tous les dogmes et les idées reçues. « Je refuse de diaboliser ceux qui ne pensent pas la même chose que moi, même ceux qui combattent le “mariage pour tous”. » Autre diabolisation qu’il récuse, celle qui consiste à mettre tous les musulmans dans le même panier. « Voir des djihadistes partout, c’est une sorte de néocolonialisme insupportable. Je côtoie de nombreux musulmans qui pourraient donner des leçons de civisme et qui se décarcassent pour s’intégrer. »
Avec une fougue qui a encore quelque chose d’adolescent, il part aussi en guerre aussi contre la tentation de mépriser les Églises évangéliques. Ce qui le conduit à faire ressortir les côtés positifs de cette mouvance : la ferveur, le sens de la fraternité et de la solidarité – même s’il n’adhère pas à certaines simplifications anti-intellectuelles.
Autre liberté qu’il puise dans le protestantisme, du moins dans l’image qu’il s’en fait, le droit de picorer à gauche et à droite. Une pincée de taoïsme par-ci, une autre de franc-maçonnerie, une autre encore de chants évangéliques, plus un zeste de catholicisme dont il admire les JMJ…
Ce qui constitue, somme toute, une spiritualité assez composite, bien dans l’air du temps, correspondant aux aspirations d’une génération adepte du zapping télévisuel et du surf sur Internet.
C’est dans le protestantisme aussi qu’il trouve une justification à son engagement politique. Sa lecture de la Bible et son éthique de la protestation ne pouvaient que le conduire à s’inscrire en faux contre l’ordre établi, donc à être de gauche, « pour lutter contre les inégalités sociales ». De plus, il remercie publiquement Margaret Thatcher : « grâce à elle », son positionnement a été confirmé ! Malgré son goût de la provocation et de la critique systématique, son analyse et son engagement sont assez conventionnels. Il croit dans les vertus de la social-démocratie, d’où son engagement au PS et, localement, sur les listes présentées par Gérard Collomb aux municipales de 2008. « Je suis collombiste sans état d’âme », soutient-il.
Pour Blachier, l’actuel maire de Lyon donne l’exemple en montrant qu’il est possible de réussir le mariage entre le dynamisme de l’entreprise privée et une politique municipale de gauche dont il est un des acteurs comme adjoint au commerce à la mairie du 7e arrondissement.
L’amour de la chose publique
Membre de la paroisse « Lyon Rive Gauche », qui comprend le Grand Temple et l’Espace Bancel, Romain Blachier reconnaît qu’il ne se consacre pas autant qu’il le souhaiterait à la vie paroissiale. Difficile en effet, de concilier son métier d’énergéticien à la Compagnie nationale du Rhône, de professeur de management, de militant politique, d’élu, sans oublier sa vie de famille – son épouse Alexandra et lui même ont décidé de faire baptiser leur fils d’un an, Louis-Antoine (un prénom en mémoire de celui du révolutionnaire Saint-Just).
Reste qu’il s’organise afin de trouver le temps de « pratiquer ce sport extraordinaire que sont les études bibliques où chacun apporte sa propre vision des choses et s’enrichit de celle des autres ».
Quand on le réquisitionne pour donner un coup de main, il répond « présent », notamment pour la préparation du synode de Lyon qu’il voudrait contribuer à mieux faire connaître du grand public en utilisant les techniques modernes de communication avec lesquelles il jongle quotidiennement : Internet, réseaux sociaux, sans oublier un magazine local dans lequel il écrit régulièrement et la radio RCF où il assure une chronique hebdomadaire sur les nouvelles technologies. Sa volonté d’être engagé dans la cité et dans l’Église passe aussi par son blog qu’il alimente quotidiennement sur tous les sujets qui le passionnent.
Tout récemment il plaidait pour que « vive la beauté de Pâques ». C’était quelques jours avant que n’éclate l’affaire Cahuzac. « Je pense, écrivait-il sur www.romainblachier.fr, à tous les gens devant lesquels je rame pour dire que les politiques ne sont pas tous des cons et des corrompus. Cahuzac a démoli ce modeste travail. Nous sommes pourtant nombreux à aimer la chose publique… et à y mettre nos tripes. »