Grèves étudiantes: la fin de l’illusion québecoise ?

« Les libertés sont toujours grignotées sournoisement avant d’être spectaculairement détruites « – N Bensaïd

Depuis plusieurs mois les étudiants québecois rejoint par de nombreux salariés, manifestent contre les hausses de frais d’inscriptions décidées par le gouvernement libéral. Tant le durcissement des positions, les difficultés de dialogue que la répression du mouvement montrent que derrière la fiction spectaculaire d’un Québec social et apaisé se cache un contrôle important.

Où l’on parle enfin du plus long mouvement étudiant de l’histoire du Québec

Enfin ! Enfin des médias français se penchent davantage sur la situation dramatique que vivent les manifestants étudiants des villes du Québec. Il n’était pas trop tôt, le mouvement ayant commencé en février ! Peut-être d’ailleurs, même si l’espoir est mince, cet événement finira-t-il aux environs de ce soir, puisque les négociations reprennent enfin.

Certes les réseaux sociaux bruissaient déjà depuis un certain temps des événements de l’Etat francophone du Canada: si Twitter en France n’est pas toujours un lieu d’avant-garde éclairée de l’information (Avoir régulièrement en sujets les plus évoqués The Voice ou les actus people d’une certaine Perrie Edwards, le spectacle marchand a trouvé un terrain d’épanouissement nouveau…) la question québecoise est sur un grand nombre de tweets depuis longtemps.

Les termes du débat

En cause, on le sait, une hausse de 75% des frais de scolarité universitaire. Il est vrai que les frais d‘inscription universitaires du Québec sont de 2519 dollars canadiens (1953 euros) contre 5662 (4369 euros) pour l’Alberta et que les universités manquent de moyens, y compris pour l’aide étudiante.Un effort supplémentaire est demandé aux usagers, dont une partie des sommes supplémentaires perçues iraient à l’aide sociale des plus modestes d’entre eux. Ceci dit quand on sait que l’inscription dans une université en France était de 177 euros à la rentrée 2011, on réalise le poids des études sur les familles.

Outre un attachement à un modèle social québecois protecteur, les manifestants pointent les faibles redevances que demande en parallèle le gouvernement québecois aux entreprises minières et énergétiques implantées via le Plan Nord et dont les recettes permettraient de faire largement face à de nouvelles dépenses.

De son côté le gouvernement québecois a radicalisé le mouvement en refusant la plupart du temps de discuter, radicalisant les opposants dont certains étaient sans doute près à entendre la nécessité d’une hausse modérée…La ministre de l’éducation a d’ailleurs du démissionner de son poste suite à sa gestion de la crise !

La grève s’est transformée en un mouvement étudiant gigantesque. Celui-ci a été rejoint par de nombreux salariés qui organisent des concerts de casseroles le soir à 20h. Des manifestations géantes se déroulent en ville.  Des symboles comme le carré rouge ont franchi les frontières arborées par le groupe US Public Enemy  lors de son concert à détroit.

 Des figures comme la mascotte l’Anarchopanda ,la banane rebelle (arrêté par la police puis relaché) ou les leaders Gabriel Nadeau-Dubois, Martine Desjardins et Léo Burleau-Blouin ont crevé l’écran. Le mouvement, dont il est aujourd’hui question dans le monde entier, se transforme symboliquement en défense d’une certaine idée du modèle social québecois, ceci alors que se révéle une réalité répressive cachée jusqu’ici dans une province habituée à plus de calme.

La fin de la fiction d’un Québec apaisé?

Le Québec est réputé pour son modéle social unique en amérique du nord. Les libertés individuelles y sont plus larges que dans la France post-sarkozyste. Les débats politiques se déroulent principalement entre un Parti Québecois social-démocrate et un Parti Libéral du Québec oscillant entre le centre et le centre-droit. Le clivage se situant bien sûr également  sur la question de l’indépendance et du fédéralisme. Pourtant les libéraux au pouvoir se sont quelque peu radicalisés (tout est relatif, on est encore loin de l’UMP, dont l’équivalent serait les populistes de la CAQ) ces dernières années et surtout ces dernières semaines face au succès des manifestations. Le gouvernement a en effet pris une mesure de répression forte: la loi 78.

Celle-ci encadre plus sévèrement les manifestations et empêche les rassemblement non déclarés de plus de 50 personnes. A l’origine le gouvernement libéral souhaitait une mesure plus forte: l’obligation de signaler aux autorités tout attroupement ou manifestation de plus de…10 individus. Et prévoit des amendes très fortes en cas de non respect d’une disposition. Si il me semble des plus normal de déclarer une manifestation avant qu’elle se déroule pour pouvoir gérer les contraintes engendrées, le fait de voter une loi pour la circonstance est douteux. Le contenu même de celle-ci est par ailleurs mis en doute par les juristes. Et surtout, du fait des sanctions dures en cas d’infraction, les étudiants, dont les organisations restent soudées, ne l’appliquent pas… Les défilés eux restent généralement festifs.

Autre élément: les violences policières, pourtant rares depuis des années, sont revenues au Québec: des universités sont envahies par la police, des arrestations massives ont lieu (parfois plus de 700 en une seule nuit) des violences, que le gouvernement refuse de condamner, sont commises par les forces du maintien de l’ordre.Certains agents depuis la nuit de samedi dernier cachent en toute illégalité  leur matricules pour agir, depuis qu’une de leurs collègues s’est fait filmer en train de gazer des manifestants pacifiques. De son côté d’ailleurs nombreux sont les agents épuisés par des semaines de mouvement social, le plus long de l’histoire estudiantine québecoises.

Un nouveau Québec apparait, plus dur, moins angélique. Reste à savoir dans quelle direction il ira…

photo Falseth et Henry Gass

Billet repris également sur le site de l’hebdomadaire Marianne

Grèves étudiantes: la fin de l’illusion québecoise ?

« Les libertés sont toujours grignotées sournoisement avant d’être spectaculairement détruites « – N Bensaïd

Depuis plusieurs mois les étudiants québecois rejoint par de nombreux salariés, manifestent contre les hausses de frais d’inscriptions décidées par le gouvernement libéral. Tant le durcissement des positions, les difficultés de dialogue que la répression du mouvement montrent que derrière la fiction spectaculaire d’un Québec social et apaisé se cache un contrôle important.

Où l’on parle enfin du plus long mouvement étudiant de l’histoire du Québec

Enfin ! Enfin des médias français se penchent davantage sur la situation dramatique que vivent les manifestants étudiants des villes du Québec. Il n’était pas trop tôt, le mouvement ayant commencé en février ! Peut-être d’ailleurs, même si l’espoir est mince, cet événement finira-t-il aux environs de ce soir, puisque les négociations reprennent enfin.

Certes les réseaux sociaux bruissaient déjà depuis un certain temps des événements de l’Etat francophone du Canada: si Twitter en France n’est pas toujours un lieu d’avant-garde éclairée de l’information (Avoir régulièrement en sujets les plus évoqués The Voice ou les actus people d’une certaine Perrie Edwards, le spectacle marchand a trouvé un terrain d’épanouissement nouveau…) la question québecoise est sur un grand nombre de tweets depuis longtemps.

Les termes du débat

En cause, on le sait, une hausse de 75% des frais de scolarité universitaire. Il est vrai que les frais d‘inscription universitaires du Québec sont de 2519 dollars canadiens (1953 euros) contre 5662 (4369 euros) pour l’Alberta et que les universités manquent de moyens, y compris pour l’aide étudiante.Un effort supplémentaire est demandé aux usagers, dont une partie des sommes supplémentaires perçues iraient à l’aide sociale des plus modestes d’entre eux. Ceci dit quand on sait que l’inscription dans une université en France était de 177 euros à la rentrée 2011, on réalise le poids des études sur les familles.

Outre un attachement à un modèle social québecois protecteur, les manifestants pointent les faibles redevances que demande en parallèle le gouvernement québecois aux entreprises minières et énergétiques implantées via le Plan Nord et dont les recettes permettraient de faire largement face à de nouvelles dépenses.

De son côté le gouvernement québecois a radicalisé le mouvement en refusant la plupart du temps de discuter, radicalisant les opposants dont certains étaient sans doute près à entendre la nécessité d’une hausse modérée…La ministre de l’éducation a d’ailleurs du démissionner de son poste suite à sa gestion de la crise !

La grève s’est transformée en un mouvement étudiant gigantesque. Celui-ci a été rejoint par de nombreux salariés qui organisent des concerts de casseroles le soir à 20h. Des manifestations géantes se déroulent en ville.  Des symboles comme le carré rouge ont franchi les frontières arborées par le groupe US Public Enemy  lors de son concert à détroit.

 Des figures comme la mascotte l’Anarchopanda ,la banane rebelle (arrêté par la police puis relaché) ou les leaders Gabriel Nadeau-Dubois, Martine Desjardins et Léo Burleau-Blouin ont crevé l’écran. Le mouvement, dont il est aujourd’hui question dans le monde entier, se transforme symboliquement en défense d’une certaine idée du modèle social québecois, ceci alors que se révéle une réalité répressive cachée jusqu’ici dans une province habituée à plus de calme.

La fin de la fiction d’un Québec apaisé?

Le Québec est réputé pour son modéle social unique en amérique du nord. Les libertés individuelles y sont plus larges que dans la France post-sarkozyste. Les débats politiques se déroulent principalement entre un Parti Québecois social-démocrate et un Parti Libéral du Québec oscillant entre le centre et le centre-droit. Le clivage se situant bien sûr également  sur la question de l’indépendance et du fédéralisme. Pourtant les libéraux au pouvoir se sont quelque peu radicalisés (tout est relatif, on est encore loin de l’UMP, dont l’équivalent serait les populistes de la CAQ) ces dernières années et surtout ces dernières semaines face au succès des manifestations. Le gouvernement a en effet pris une mesure de répression forte: la loi 78.

Celle-ci encadre plus sévèrement les manifestations et empêche les rassemblement non déclarés de plus de 50 personnes. A l’origine le gouvernement libéral souhaitait une mesure plus forte: l’obligation de signaler aux autorités tout attroupement ou manifestation de plus de…10 individus. Et prévoit des amendes très fortes en cas de non respect d’une disposition. Si il me semble des plus normal de déclarer une manifestation avant qu’elle se déroule pour pouvoir gérer les contraintes engendrées, le fait de voter une loi pour la circonstance est douteux. Le contenu même de celle-ci est par ailleurs mis en doute par les juristes. Et surtout, du fait des sanctions dures en cas d’infraction, les étudiants, dont les organisations restent soudées, ne l’appliquent pas… Les défilés eux restent généralement festifs.

Autre élément: les violences policières, pourtant rares depuis des années, sont revenues au Québec: des universités sont envahies par la police, des arrestations massives ont lieu (parfois plus de 700 en une seule nuit) des violences, que le gouvernement refuse de condamner, sont commises par les forces du maintien de l’ordre.Certains agents depuis la nuit de samedi dernier cachent en toute illégalité  leur matricules pour agir, depuis qu’une de leurs collègues s’est fait filmer en train de gazer des manifestants pacifiques. De son côté d’ailleurs nombreux sont les agents épuisés par des semaines de mouvement social, le plus long de l’histoire estudiantine québecoises.

Un nouveau Québec apparait, plus dur, moins angélique. Reste à savoir dans quelle direction il ira…

photo Falseth et Henry Gass

Billet repris également sur le site de l’hebdomadaire Marianne