Un retour à la vie en christianisme ?

Je viens de commencer le prometteur ouvrage Pourquoi le christianisme fait scandale de Jean-Pierre Denis, auteur catholique. La chose commence par une lettre écrite par un oncle soixante-huitard désarçonné par sa niéce catho pratiquante, qu’il trouve un peu trop traditionnelle. La missive se fini par un tonton qui réalise qu’aujourd’hui être dans le christianisme, ce serait vivre dans la contre-culture.

Ma copine Natalia, journaliste catholique à RCF Lyon en a fait un excellent pastiche dans la même veine et dans la même orientation et a écrit à sa tante, chrétienne soixante-huitarde. Si elle reconnait les apports de ses luttes, elle lui reproche aussi sa foi un peu blougi boulga, un peu trop baba, un peu trop pas assez identitaire. En gros à force de vouloir libérer le christianisme, de le mélanger à tout en le teintant par exemple de bouddhisme, la tante en oublierait la vie chrétienne et le vécu de sa foi.

Résumons: Jean-Pierre Denis dénonce une culture qui est serait devenue étouffante pour les chrétiens, Natalia dénonce, certes avec une pointe de tendresse, une volonté trop grande de détruire l’identité réelle de cette culture.

Les reproches sont logiques. Il s’agit d’une contre-réaction à ce qui est perçu comme un classique de la génération précédente. Les ainés ont demandé ont attaqué les habitudes, voulu changer les choses, les ont déplacés au risque de briser. Les suivants demandent à avoir le droit à une vie chrétienne dans une société largement, trés largement sécularisée même.

Je peux comprendre l’énervement de certains d’avoir vu les chambouleurs donner de grandes leçons sur la maniére de vivre la foi différement avant de voir les mêmes ne plus la vivre du tout au bout de quelques années. Je peux aussi partager le fait qu’à force de portes ouvertes au vacarme, il soit parfois logique d’avoir envie de répondre à ces questions simples: Qui suis-je ? Qui sommes-nous ? En quoi je crois ? En quoi croyons-nous ?

 Il serait pourtant absurde de jetter le bébé avec l’eau du bain.Les générations qui ont changé le catholicisme et sa maniére de faire vivaient dans une culture, une identité imposée et pesante.  Les protestants savent mieux que personne ce que fut longtemps le fait d’être divergents de l’identité de la religion d’Etat que fut le catholicisme. Il était, avant ce mouvement de libération, identité presque imposée, avec difficulté ou impossibilité d’en sortir.

Aujourd’hui, au moins pour les classes moyennes chrétiennes et à condition de ne pas être catho vendéen ou Témoin de Jéhovah, nous n’en sommes plus là.  Le christianisme est pour nous la plupart du temps accepté ou choisi librement, débattu et non imposé, du coup comme c’est notre choix, nous le revendiquons fort et voulons le vivre à fond. Parfois très à fond. D’où la jeunesse de nombre de paroissiens de fraternités réactionnaires du catholicisme, souvent bien plus que chez les papistes classiques. D’où en dehors du christianisme, des pratiques parfois très revendicatrices et virulentes dans une fraction de l’islam de France. D’où, parce qu’il faut bien que je balaye devant ma porte, un succés grandissant des dénominations les plus dures du pentecôtisme dans le protestantisme français.

On dirait que face à une modernité présentée souvent comme marchande et inodore, il fallait cliver, que la foi soit dérangeante et clivante, fortement contre-culturelle.

Je ne suis pas en complet déssaccord avec cette affirmation au monde: J’ai mes préférences et mes choix, je ne vois pas pourquoi je devrais, en religion ou ailleurs, les cacher, à condition de respecter la vérité d’autrui. Mais s’enfermer dans un bantoustan identitaire est un cocon dangereux qui n’améne qu’à l’impossibilité à terme d’en sortir. A chercher le renfermement volontaire face aux violences et futilités du monde, on pourrait perdre la clef et ne plus sortir.

Je préfére pour ma part, en bon parpaillot, un christianisme affirmé mais d’abord dans le monde. Quitte à, il est vrai, parfois m’énerver sur le blougi boulga relativiste. Mais c’est le peu onéreux prix à payer pour un christianisme qui avance, loin, très loin des nostalgies. Es-ce une contre-culture ? Peut-être. A répondre surement dans un prochain billet…en oubliant pas, la boutade a du sens, que si le christianisme est une contre-culture, le protestantisme, notamment réformé, s’est toujours vécu comme une contre-culture à l’intérieur du christianisme !